"l’indésirable"
Il fallait bien un jour se pencher sur la question de ce que l’on refoule dans les recoins de son inconscient. Quand l’attraction devient gênante, n’est-il pas plus simple de basculer dans la répulsion… l’Un désirable ?

L’indésirable, c’est aussi tout ce que la société rejette comme déviance ou hors norme, en particulier toutes les manifestations d’un désir qui n’est pas hétérosexuel. Ne nous voilons pas la face, les phobies, quelle qu’elles soient, homo, lesbo, trans, sont toujours vivaces. L’indésirable, c’est aussi le séropositif qui doit cacher à la société la « tare » qui l’affecte sous peine d’être marginalisé.
L’indésirable renvoie donc immédiatement aux marges de la société, avec tout ce que cela implique de créativités, de productions artistiques, de luttes ou de révoltes.
L’indésirable, c’est encore le sort fait aux personnes transgenres dont la situation aujourd’hui est dramatique : problème d’identité, psychiatrisation honteuse et ignoble de l’état transgenre. Il faut se montrer solidaire avec ceux qui sont encore considérés aujourd’hui comme des malades.
Ne pas filmer le désir, la séduction ; On va tenter de « regarder par où ce n’est plus regardable » (1). Ce corps, dont la publicité attise la convoitise, est parfois filmé sous des angles mystérieux. Quel est ce mystère d’un sexe fourbe ou caché ? Laurence Chanfro sait le faire : des surgissements inattendus et disproportionnés, cadrés serrés. S’engouffrer dans des gros plans et offrir quelques morceaux d’une intimité mystérieuse et obscène. L’obscène est le caché, et la pénétration de cet ob-scène dans l’écran constitue un dépucelage de l’œil du spectateur, en écho à l’ouverture des chairs des personnages. Cinéma-limite, sensoriel, charnel, qui peint la chair et touche la nôtre, quitte à en passer par une douleur interne, une nausée.
Filmer la chair reste un travail pictural fort, hérité des peintures de Francis Bacon, et le regard artistique est peut-être ce qui « sauve » certaines scènes indésirables. Le mouvement de fascination-répulsion colle à cette peau obscène à l’écran, dans une esthétique cruelle, chaotique, romantique, passionnée pour un cinéma charnel.

Ainsi se manifeste, à travers ce festival bien installé maintenant dans le paysage culturel de Tours, notre attention portée à l'autre, quel qu'il soit, et l'acceptation, la reconnaissance de son droit à être autre. Dans l'apologie des différences, tout autre a forcément sa place...

Ph. Perol

(1) Catherine Breillat